Ovigneur
Les trois propriétés
Virnot à Mons-en-Baroeul Blason
Ovigneur
Capitaine Ovigneur
Les Ovigneur sont « bourgeois de statut » à Lille depuis le XVIe siècle. En 1735, Joseph Ovigneur (1697-1735)
hérite d’un fief et d’une seigneurie constitués au début du XVIe siècle par ses aïeux Robert Le Hugier et
Françoise de Corenhuze. De père en fils, ils fabriquent aussi du fil. L’aïeul
de Marguerite-Marie, Charlemagne Ovigneur (1759-1832), capitaine des canonniers lillois lors du siège de Lille
par l’armée autrichienne en octobre 1792, deviendra malgré lui une image
d’Epinal. Le 23 mai 1810, en visite à Lille, Napoléon le fait appeler et lui
remet la Légion d’honneur, en lui disant : “Tous les canonniers ont mérité
la décoration, vous la porterez, Monsieur, pour vous et pour le corps”.
Présente lors de cette remise, l’impératrice Marie-Louise, d’origine
autrichienne, “paraît peu aimable, peut-être préoccupée par les souvenirs du
siège de 1792”. Une rue de Lille porte son nom. Aux XIXe et XXe siècles à l’occasion des commémorations du siège de 1792, sa mémoire
est évoquée. En 1998, une carte à puce d’un parking de Lille le représente Le 3
octobre 1792, vers minuit, on annonce au Capitaine Ovigneur commandant le
seconde batterie des Canonniers Sédentaires de Lille, que sa maison est en feu,
et que sa femme, abritée dans une cave de la rue Notre-Dame, vient d’accoucher.
Comme on le presse d’accourir auprès d’elle et d’abandonner sa batterie, il
répond au messager, venu l’avertir, en montrant les éclairs qui montent de la
ligne des assiégeants : "Voici l’ennemi, je suis à mon poste, j’y
reste et vais rendre feu pour feu !". La sœur de Charlemagne,
Nathalie-Marie Ovigneur est l’arrière-arrière grand-mère de Monseigneur Marcel
Lefebvre.
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Charlemagne Ovigneur (1759-1832), capitaine des
canonniers lillois lors du siège de Lille
par l’armée autrichienne en octobre 1792, deviendra malgré lui une image
d’Epinal. L’empereur Napoléon lui remettra la légion d’honneur en 1810.
Une rue de Lille porte son nom. Aux XIXe
et XXe siècles à l’occasion des
commémorations du siège de 1792, sa mémoire est évoquée. En 1998, une carte à
puce d’un parking de Lille le représente Les Ovigneur sont « bourgeois de
statut » à Lille depuis le XVIe siècle.
En 1735, Joseph Ovigneur (1697-1735) hérite d’un fief et d’une seigneurie
constitués au début du XVIe siècle
par ses aïeux Robert Le Hugier et Françoise de Corenhuze. De père en fils, ils
fabriquent aussi du fil.
Parmi l’élite roturière du
Tiers État, les Ovigneur sont inscrits au registre des Bourgeois de Lille
depuis la fin du XVIIe siècle. Un
« livre de raison » contenant l’état civil (naissances et décès) a
été tenu avec soin pendant quatre siècles, passant successivement des mains de
la famille Pouille à la famille Bocquet puis échu à la famille Ovigneur -par
l’alliance de Marie-Joseph Bocquet (1704-1787) à Joseph Ovigneur (1697-1765).
Il servait à régler filiations et successions. Celui qui commence ce
« livre de raison », Jacques Pouille, mort en 1597, y consigne pour,
“le 30 jour de novembre 1568”, les premières lignes, après, chrétien, avoir
tracé une croix : “Mémoire que moy, Jacques Pouille et Antoinette
Daussy, avons esté ensemble par mariage”. Les Pouille appartenant aussi à
la bourgeoisie de Lille œuvraient dans le commerce des draps.
La famille Ovigneur
possède même un fief situé à Leers, de « douze bonniers ou environ
d’héritages » (environ dix-sept hectares), leur rapportant annuellement
300 florins soit 100 livres. Ce fief provient d’aîeux Robert Le Hugier et
François de Corenhuze, qui en étaient propriétaires au XVIe siècle.
Les Ovigneur œuvrent dans le textile. Né vers 1569, fils de Catherine Le Hugier
et de Siméon Mainsent, Allard Mainsent était sayetteur à Lille, c’est-à -dire
fabricant d’étoffes très légères faites de laine peignée ou sèche. Le 21
octobre 1623, dans le cadre d’un contentieux entre villes flamandes, cet aïeul
des Ovigneur témoigne par écrit, que les marchés de Lille et de Tournai ne sont
plus suffisamment approvisionnés en fin filets de laine, à cause de la
concurrence hollandaise : “eaigé de cincquante quatre ans ou
environ, plus de trente-trois ans qu’il y at exercé, comme il faict encoires,
ledict stil et, ce faisant, fabricqué fins oeuvraiges de changheans...à raison
de quoy scait que depuis deux à trois ans encha, les fins filletz quy souloient
estre apportez au marché de ceste ville sont tellement rares..”
Rémy Bocquet, autre aïeul
des Ovigneur qui conservera par le truchement de ses descendants la plume du
livre de raison, a fait partie d’une prestigieuse confrérie d’artilleurs, parmi
les plus anciens corps d'artillerie d'Europe. En effet, c’est depuis 1483
qu’elle a été créée, sous le vocable de la Confrérie de Sainte-Barbe, plus tard
rebaptisée le bataillon des Canonniers Sédentaires de Lille. En reconnaissance
de la brillante conduite des Canonniers lors du siège de 1792 mené par les Autrichiens,
Napoléon Bonaparte réorganisa leur bataillon en 1803, leur faisant don de
l’ancien couvent des sœurs Urbanistes,
afin qu'ils puissent le transformer en hôtel. Il est aujourd’hui occupé en
partie par le musée qui leur est consacré. Remy Bocquet, membre de la
Sainte-Barbe écrivait
“Mémoire que moÿ Remÿ
Bocquet aÿ faict mon entrée de capitaine d’armes dans la compagnie d’Estienne
Fasse, le 24 de juin 1635. Memoire que jaÿ été faict lieutenant dans la même
compagnie le 29 d’avril 1636 et presté le serment de me bien acquiter de ma
charge. Memoire que j’aÿ faict mon entrée de lieutenant le 30 de maÿ1636.
Memoire que ma mère Isabeau Pouille est décédée de ce monde le 5 de septembre
1636. Dieu veuille avoir son âme...”
Tous les ans, une fête des
confrères associait “dévotion, déambulations, et débordements bachiques”.
Milice communale composée de canonniers, la confrérie, était le “symbole de la
bourgeoisie locale et de son auto organisation”.
Né dans cette vieille
bourgeoisie de Lille, Charlemagne Ovigneur n’a pas cinq ans quand il perd son
père. Sa mère se remarie. Il s’initia avant la Révolution à deux techniques qui
allaient devenir ses principales activités, poursuivies à son tour par son fils
Emmanuel : l’artillerie, le commerce et la fabrication de fils. A seize
ans, il s’engage au régiment de Guyenne Infanterie (1775-1777) puis au régiment
de Strasbourg Artillerie (1778-1785). De retour à Lille, il crée son commerce
et sa fabrique de fils en 1787 . La même année, il se marie. En 1790, il fait
partie de la garde nationale à Lille. L’année suivante, il est lieutenant. En
1791, il est capitaine de l’artillerie de la garde nationale.
L’ambiance politique est
houleuse en cette période, les tensions et suspicions de complots contre la
nation naissante sont légions.
Ovigneur se distingue en
1792. Le roi déchu et déçu veut la guerre. Dans le Nord, une armée autrichienne
commandée par le duc Albert de Saxe-Teschen, (le mari de Marie-Christine de
Habsbourg) campe devant Lille depuis le 23 septembre. Le duc pensait que la
ville tomberait rapidement comme Longwy ou Verdun. Mais c’était sans compter
sur le réel atout de cette nation qui s’élevant au rang d’hommes libres,
apprenait aussi la motivation à le rester, ou à mourir. De fait, les Lillois se
défendent vigoureusement malgré les bombardements. Ovigneur et ses hommes
tiennent l’ennemi en ligne de mire. Lors du siège de Lille en 1792, il commande
une compagnie de canonniers.
Le courage manifesté par
les Lillois est exemplaire selon des procès verbaux officiels dressés alors,
notamment ceux des commissaires de la Convention nationale. Une dépêche dont il
est rendu compte dans la séance du 8 octobre :
« Citoyens,
nous sommes entrés hier, vers les huit heures du soir, dans cette ville, où l'on rencontre
à chaque pas les traces de la barbarie et de la vengeance des tyrans.
Christine, d'après les rapports, est venue jeudi jouir en personne des horreurs
commandées par son mari qu’elle a si bien secondé ; on a fait pleuvoir
devant elle une grêle de bombes et de boulets rouges pour hâter la destruction
de cette belle et opulente cité, qu'elle appela un repaire de scélérats, et
qu'elle se plaignait de ne pas voir encore détruite ; elle s'est donné le
plaisir de lui envoyer de sa main quelques boulets rouges. Nos ennemis trompés
sur la fermeté et le patriotisme des citoyens de Lille, comptaient qu'une
insurrection allait leur livrer la place et c'est pour la provoquer que, sans
s'arrêter aux lois de la guerre, ils commencèrent leur feu au retour du
trompette qui leur rapportait la fière et républicaine réponse que la
municipalité fit à la sommation du duc Albert de Saxe et qu'ils dirigèrent
particulièrement leur feu sur le quartier de Saint Sauveur, le plus peuplé de
la ville, et dont les citoyens, toutes les fois qu'il a fallu déployer
l'énergie du patriotisme se sont constamment montrés les premiers ; mais
ce peuple, sur la lâcheté duquel on osait fonder de coupables espérances s'est
trouvé un peuple de héros. Le quartier St Sauveur n'est, à la vérité, qu'un
amas de ruines : 500 maisons sont entièrement détruites, 2000 sont
endommagées par un feu d'artillerie souvent aussi nourri qu'un feu de
file ; mais c'est là tout ce qu'ont pu les tyrans. Ils n'entreront jamais
dans cette importante forteresse, dont ils ménagent les remparts, parce qu'ils
appartiennent, disent-ils, au roi de France, et les maisons qu'ils n'épargnent
qu'autant qu'elles se trouvent dans la rue Royale et les environs, quartier de
l'Aristocratie Lilloise. Sous cette route de boulets, les citoyens que nous
sommes venus admirer, encourager et consoler de leur perte, ont appris à
déjouer les projets destructeurs de nos ennemis. On a descendu des greniers et
des étages les plus exposés tout ce qui pouvait servir d'aliment au feu. On a
rassemblé à la porte de chaque maison, des tonneaux toujours remplis
d'eau ; les citoyens distribués avec ordre, veillent les bombes et les
boulets rouges, les jugent et donnent le signal convenu ; dès qu'un boulet
est entré dans une maison, les citoyens désignés s'y portent sans confusion, le
ramassent avec une casserole, l'éteignent, crient « Vive la nation »
et courent reprendre leur poste pour en attendre un autre. On a vu des
volontaires, des citoyens, des enfants même courir sur les bombes et en enlever
la mèche, courir après les boulets pour les éteindre avant qu'ils n'aient roulé
dans les maisons. Tout se fait dans le calme, l'ordre règne partout. Trente
mille boulets -rouges, six mille bombes, ont aguerri les citoyens au point de leur
faire mépriser le danger. Les Autrichiens ont beaucoup perdu. Leur feu a cessé,
il y a environ deux heures, et l'on dit qu'ils lèvent le siège ; ils se
retireront chargés de l'exécration des habitants du pays, qu'ils ont rempli de
meurtres de toute espèce, de brigandages et d'actes d'inhumanité et de
barbaries dont le récit vous ferait frémir. Une foule d’actions dignes des
héros des anciennes Républiques méritent de fixer votre attention. »'
Le représentant Bellegarde
écrivait en même temps au député Gorsas :
« Au
milieu des flammes dont la ville de Lille est la proie, nous avons trouvé le courage et l'héroïsme des
habitants inflexibles. Je me contenterai de vous citer deux traits : un
particulier nommé Auvigneur, servant une pièce de canon sur les remparts est
averti que sa maison avait été allumée par un boulet rouge et qu'elle allait
être réduite en cendres. Il se retourne, voit en effet sa maison en feu et
répond : « Je suis ici à mon poste, rendons leur feu pour feu. »
Et ce citoyen est demeuré à son poste jusqu'à ce qu'il ait été remplacé. »
Le 7 octobre 1792, après
10 jours de pilonnage, les Autrichiens, apprenant la retraite des Prussiens
après Valmy, abandonnaient le siège et retournaient benoîtement aux Pays-Bas.
La résistance héroïque de Lille avait arrêté l'invasion au Nord.
À partir de là, la
carrière militaire d’Ovigneur s’accélère, mais il ne reste que peu de détails
et d’informations sur le contexte de son déroulement.
En 1793, après la trahison
de Dumouriez, le lieutenant Ovigneur contribue à l’armement de la place de
Lille. Il devient membre du conseil général de la commune. Il commande le 16
octobre, un parc d’artillerie de bataille lors du siège de Maubeuge. Le 12
décembre, Bouchotte, ministre de la Guerre, le nomme garde principal d’artillerie.
Membre du club des Jacobins à Lille, il en sera aussi un des présidents. Après
la chute de Robespierre, il est aux arrêts en novembre 1794. Encore inquiété en
juin 1795, il démissionne en mai 1796. En août 1799, alors que la propagande
royaliste gagne les esprits, Ovigneur “considéré comme sans-culotte, est passé
à tabac” par ces royalistes. Membre de la garde nationale en 1799 et 1800, il
sera capitaine des canonniers sédentaires lillois de 1804 à 1811. En 1809, il
commande un bataillon de canonniers à Flessingue envahie par les Anglais après
Wagram.
Quelques lettres
manuscrites subsistent de lui. Le 10 décembre 1792, il intervient au nom des
Canonniers lillois qui “ont montré beaucoup d’énergie pendant le bombardement”
pour faire changer de vieux canons armoriés. Il suggère que l’on “pourrait
faire mettre sur la vole en place d’étiquette “Lille a bien mérité de la
patrie””.
En messidor an II, le club
des Jacobins décide de procéder à une épuration en son sein et adresse à tous
ses sociétaires, un questionnaire demandant à chacun de rendre compte de sa
conduite privée et politique. A propos de sa nomination au poste de Garde
d’artillerie, le capitaine écrit : ”Comme j’aime ma patrie et désir lui
être utile je quittais mon commerce pour occupais le poste que l'on me donnait
sans consulter mes intérêts personnels, car un républiquain ne doit pas conter
sur sa fortune, j'ai quitté mes affaire pour faire ceux de la République au
appointement de 1200 livres et logée. ”
En 1794, toujours dans
cette même profession de foi destinée au club des Jacobins lillois dont il est
membre, il explique : “J'ai aimé l'égalité avant qu'elle ne fu déclarée
par le peuple. Ce qui le prouve, c'est que je fis la succession d'un bien que
j'étais libre de me conservée la propriété an détriment de mes sœurs mais
lorsque j'ai attain l'âge de vingt-cinq ans, je vandie le bien et le partaga
également avec eux. ”
Un an plus tard, des
munitions subissent de fortes pluies et risquent l’avarie, il est mis aux
arrêts. Toujours responsable de l’artillerie, il prévient les autorités, le 13
Brumaire An III : “Le sang me bouille dans les veines quand je vois des
généraux dilapidateurs qui font perdre à la République ce qu’elle a de plus
cher et que tout bon républicain veille à la fabrication et conservation de la
poudre. (...) Je vous prie d’en instruire votre Comité parce que je crains que
l’on ne vous vienne faire des dénonciations contre moi. Tous les amis de
l’ordre ne connaissent pas ma disgrâce. Ce n’est pas ma faute si cela périt
attendu que je ne suis rien en ce moment ici. ”
Il refuse dans une lettre
au maire de Lille, en date du 28 février 1831, qu’on dénomme une rue pour lui
rendre hommage : “Comme soldat citoyen, je pourrais revendiquer une part
de la gloire qui rejaillit sur notre cité, parce que j'ai la conscience d'avoir
rempli mes devoirs ; mais je ne pourrais agréer l'hommage d'une
distinction particulière sans porter atteinte aux nobles sentiments qui
animèrent mes frères d'armes”
“Point de marbre sépulcral
mais une modeste pierre : qu’on y grave le nom d’Ovigneur, et vous verrez
la main de l’histoire, cette main de fer écrire sur celle-ci une date, une
simple date mais toute rayonnante de gloire et de souvenirs” : cet extrait
de l’éloge funèbre prononcé à l’occasion de ses obsèques, le 16 mai 1832,
établit que Charlemagne Ovigneur était déjà de son vivant, une icône, une forme
et une idée, un particulier et un universel. Le personnage devenu une figure
lilloise, engoncée par un fait d’armes lointain -1792- dans une période
fondatrice, la Révolution française.
Divinité
locale au “nez
retroussé”, aux “yeux bleus”, au “menton
à foçètes”, il fait partie de ces
bourgeois-travailleurs qui allaient pouvoir faire triompher les
idées des
Lumières. Prototype d’une classe sociale
déterminante dans le processus
révolutionnaire à Lille comme ailleurs, il allait
s’accomplir dans
l’administration moderne de l’empire de Napoléon,
lequel le décorait d’ailleurs
en 1810.L’assiduité dans l’exercice de sa fonction
de capitaine commandant une
compagnie de canonniers volontaires lors du siège de Lille
à l’automne 1792 ,
est le principal fait d’armes de Charlemagne Ovigneur. Elle lui
valut une
reconnaissance durable et particulière.
Le
premier récit est
publié dès le 9 octobre 1792 dans une gazette
locale : « L’ambition de la
gloire, l’amour de la patrie, toutes les vertus enfin du peuple
lillois se sont
exaltées et les âmes se sont senties portées
à une élévation jusqu’à ce moment
inconnue : « on vint annoncer à Monsieur
Ovigneur, canonnier
volontaire, que sa maison était en feu, je m’en f...
répondit ce brave citoyen,
je suis à mon poste ». La mention que la femme
d’Ovigneur accouche,
apparaîtra dans des versions ultérieures.
Dans
une déclaration
officielle de 1816, le capitaine reconnaît avoir défendu
Lille pendant le bombardement,
avec “zèle et désintéressement” en
restant “fidèlement à son poste pendant que
son épouse le rendait père et que ses
propriétés brûlaient”.
En 1818, un dictionnaire
des batailles mentionne l’exploit sans y faire figurer ni le nom d’Ovigneur, ni
la circonstance que sa femme accouchait.
Les éloges funèbres
prononcés à sa mort, reviennent sur l’évènement : “Lille en feu
apparaissait à l’Europe entière tel qu’un vaste holocauste aux autels de la
jeune liberté ; ce jour surtout où parmi les boulets rougis qui sifflent
sur sa tête, debout sur nos remparts, près de la batterie qu’il commande,
Ovigneur apprend que sa demeure embrasée croule sous le poids de la bombe...”.
Intéressants, les récits
ultérieurs livrent des détails : ”Dans un moment où le capitaine, couché
sur la culasse d'une pièce de vingt-quatre, vérifiait le pointage d'un coup
difficile, un homme se présente dans la batterie : Citoyen Ovigneur, ta
maison brûle et ta femme accouche. Pendant ce dialogue, le capitaine n’a pas
même tourné la tête ; il est resté l'œil cloué sur sa pièce, et il ne se
relève que pour commander d'une voix calme autant que sonore :
-Amorcez ! ....”
L’épisode de la conduite
du capitaine Ovigneur devient un classique de la littérature historique repris
en 1863, par Victor Duruy, dans son Histoire populaire de la France.
Le poète François Coppée
(1842-1889) décrit ainsi la vigueur des lillois et le célèbre exploit du
capitaine:
'"La vieille cité prouva qu'elle n'avait rien perdu de son
antique vertu, quand le duc Albert de Saxe- Teschen vint mettre le siège devant
elle et y jeta, dans l'espace de neuf jours, trente mille boulets rouges et six
mille bombes. La garnison — les quatre mille hommes de Ruault — n'aurait jamais
pu suffire à la défense des remparts; mais Lille avait encore six mille gardes
nationaux, parmi lesquels figuraient les célèbres canonniers.
L'organisation de ce
corps, reste de la constitution municipale des anciennes cités flamandes,
datait de quatre siècles au moins. Il était composé de marchands et de bourgeois,
mais tous étaient exercés à la manœuvre de l'artillerie. Ces canonniers furent
intrépides; l'un d'eux, un barbier, faisait mousser son savon dans un éclat
d'obus, et rasait ses camarades en pleine batterie ; les deux capitaines,
Ovigneur et Niquet, méritent d'avoir leurs noms inscrits au Livre d'or de la
France. Comme on venait annoncer à Ovigneur que sa maison brûlait, il eut un
mot héroïque:
Rendons-leur feu pour feu
dit-il en montrant les positions autrichiennes.
On n*eût pas mieux dit
devant Toulon, dans la batterie des Hommes-sans-peur, dont la canonnade semble
un écho de la batterie des canonniers lillois.
Il les admira, le maigre
officier corse aux longs cheveux, qui allait faire de Tartillerie un si
formidable usage ; il les admira et ne les oublia point. A deux reprises,
il leur témoigna son estime d'une façon éclatante : comme Premier-Consul,
en leur donnant des canons; comme Empereur, en les passant en revue lui-même, à
Lille, et en décorant de sa propre main les capitaines Ovigneur et Niquet.
Ce corps d'élite existe
encore, honneur et ornement de la cité de Lille. Malgré la fièvre de réorgani-
sation qui court — elle ressemble beaucoup à une fièvre de destruction, — on a
par bonheur respecté cette ancienne et bonne chose. Il y a à Lille une rue et
un hôtel des Canonniers. Cet hôtel est à la fois un cercle où se réunissent ces
messieurs et le lieu ordinaire de leurs exercices; il est de plus le musée, le
reliquaire du corps, et Ton y conserve la précieuse collection des antiques
obusiers et des vieilles pièces de rempart.
Les Lillois sont
extrêmement fiers, et avec raison, de ce siège de 1792. C'est le plus pur
diamant de leur écrin historique, et aucune date n'est plus populaire chez eux.
Us l'ont déjà célébrée deux fois, — en 1845, à propos de l'érection d'un
monument commémoratif, et l'année dernière encore — avec une très grande
solennité et des explosions magnifiques d'enthousiasme et de patriotisme. Une
place publique porte le nom du général Ruault. Près du lieu où s'élevait
l'église Saint-Étienne, détruite de fond en comble par le bombardement, se
trouve la rue des Débris Saint-Étienne, Toute une littérature locale est sortie
de ces grands souvenirs, et l'inauguration de la statue triomphale de 1845 a
surtout inspiré un grand nombre de poètes lillois."'
En 1879, une chanson en
patois reprend le fait glorieux :
“Min Capitain', v'nez vit'
vou mason brûle,
Mais eh' l'homm' de cœur li dit :
Te vos l'enn'mi,
Qu'on sauv' eum' femme', qu'on laich' brûler m' fortune
Mi min poste est ichi”
Le dernier récit recensé,
est celui de l’Histoire des Canonniers de Lille, publiée en 1892 : “Ce fut
ce jour-là vers minuit, que le capitaine Ovigneur mérita l’admiration
universelle de ses concitoyens et illustra à jamais son nom par sa conduite pleine
de vaillance et d’abnégation. Depuis le commencement du siège, pas plus que son
collègue Niquet, il n’avait quitté le rempart où le rivaient son devoir et
l’honneur : on accourt lui annoncer à la fois que son habitation est en
feu et que sa femme abritée dans une maison voisine de la rue Notre-Dame
(actuellement rue de Béthune) vient de le rendre père. Comme on le presse
d’accourir auprès d’elle et d’abandonner sa batterie pour sauvegarder son bien,
il sait maîtriser les diverses émotions qui agitaient son âme et montrant les
lignes des assiégeants d’où partaient des éclairs continus et d’effroyables
détonations, il répond : Voici l’ennemi ! je suis à mon poste, j’y
reste et vais rendre feu pour feu ! ”
L’histoire de la fortune
de cet acte assez banal -un soldat à son poste - est celle de l’utilisation
publique d’une image exemplaire.
La Convention avait besoin
d’exalter les actes héroïques des défenseurs de la patrie. À Paris, dans la
nuit du 6 octobre, Vergniaud donne lecture d’une lettre des citoyens députés commissaires
de la Convention nationale à l’armée du Nord. Il est question d’une “foule
d’actions dignes des guerriers des anciennes républiques qui méritent de fixer
votre attention”.
Le 11 novembre 1792, quand
deux salves de canons saluent la publication du décret de la Convention
nationale “Lille a bien mérité de la patrie”, Ovigneur est responsable du tir.
Le 23 mai 1810, en visite
à Lille, Napoléon le fait appeler et lui remet la légion d’honneur, en lui
disant : “Tous les canonniers ont mérité la décoration, vous la porterez,
Monsieur, pour vous et pour le corps”. Présente lors de cette remise,
l’impératrice Marie-Louise, d’origine autrichienne, “paraît peu aimable,
peut-être préoccupée par les souvenirs du siège de 1792”.
En 1831, il décline
l’offre de la ville de Lille, d’attribuer son nom à une rue pour rendre hommage
au “soldat citoyen qui s’est distingué entre tous par son patriotisme et son
désintéressement”.
S’il accepte d’incarner
l’image du “brave”, c’est comme un porte-étendard. Il refuse “d’agréer
l'hommage d'une distinction particulière”. La reprise publique de son nom est
fréquente et durable : 1889, 1892, 1992.
Les marques déposées
« drap plume® » et « le Capitaine® » se disputent sur une
publicité épique vantant les mérites d’un tisseur de toile nommé Ovigneur…
Vers 1910, un marchand de
vêtements lillois vante la qualité de ses produits parmi lesquels, la “chemise
du courageux capitaine Ovigneur”.
En 2000, une carte à puce
d’un parking de Lille évoque, dans une illustration, le “Capitaine Ovigneur et
la défense de Lille en 1792”.
Petit-fils du capitaine,
Émile Ovigneur (1830-1911), dernier commandant du corps des Canonniers
sédentaires, conseiller général, avocat et bâtonnier de Lille en 1878, a été le
principal promoteur et utilisateur de l’image légendaire de son grand-père.
« En 1874, il fait
réaliser une copie d’un portrait très officiel du capitaine exécuté à l’origine
par Hurtrel en 1842, par un bon peintre lillois, Alphonse Colas, pour l'offrir
au musée des Canonniers. Cette générosité et sans doute d'autres libéralités,
sont récompensées par la municipalité qui le nomme en janvier 1876 commandant
du corps des Canonniers sédentaires. C'est dans ce contexte que Julien Devos18,
élève de Colas, exécute en 1875 son tableau représentant pour la première fois
l'épisode du capitaine Ovigneur à son poste sur le rempart. »
Émile participe à
l’inauguration de la rue Ovigneur en 1867, prête de nombreux objets - dont
l’épée portée par son grand-père en 1792- lors de l’exposition historique du
centenaire de 1789, ouverte à Lille sous les auspices du Conseil général du
Nord, participe à la commémoration du bicentenaire du siège, en octobre 1892,
et reçoit alors du président Sadi Carnot (1837-1894), la légion d’honneur.
Émile Ovigneur sera un des
fondateurs de l’association nationale du Souvenir français. Il offre un tableau
représentant son grand-père au musée des canonniers (1874), en fait réaliser un
autre par Le Dru (1890), qu’il tente en vain de vendre à l’Etat.
Avec Angélique Lepers
(1767-1831), il aura six enfants : Louis (1789-1790), Emmanuel (1790-1840)
Pierre (1792-1793), Louis-Hippolyte, (1796-1873), Adèle (1798-1851) et Fanny
(1802-1886). Cette dernière épousera en 1827, Rigobert Sénéchal (1789-1867),
neveu de Martial-Joseph Herman (1759-1795) avocat, ami de Robespierre et
président du tribunal révolutionnaire qui, en 1793, envoya la reine à
l’échafaud.
En
1820, l’entreprise de
fils, fondée en 1787 par Charlemagne Ovigneur, est
prospère. Elle est alors
évaluée à 93890 francs. Elle vend tant à
Paris et Marseille qu’à Bâle,
Amsterdam ou Anvers. Le détail des “marchandises en
magasin” comprend de
multiples types de fils comptabilisés en
“poignées”, ou en “douzaine
d’échevaux” : du “fil teint en soie en
noir ou couleurs différentes”, du
“mouliné 4 fils blancs”, du “fil à
broder”, du “fil à teindre”... Le
détail des
“ustensiles, usines et officines” lié à la
fabrication nous est inconnu. Mais
des matières premières telles le “potasse”,
“l’indigo”, le “manganèse”, le
“bois de Safran” et “vitriole” sont
mentionnées avec le “charbon” et les
“chandelles”.
Fils aîné, Emmanuel-Charlemagne-Parfait
Ovigneur (1790-1840) restera dans les pas de son père. Dans cette classe
sociale, à Lille comme ailleurs, c’est un fait curieux mais criant, il n’y a
pas “l’évidence d’une rupture, et surtout d’un renouvellement exceptionnel qui
se situerait à l’époque de la Révolution” . Alors que royauté, aristocratie,
clergé et même le bas peuple ont subi dans l’ensemble de bouleversants
changements, la bourgeoisie, paraît traverser cette période de troubles, comme
si de rien n’était.
Emmanuel qui fut aussi
maire adjoint de Lille, trente ans, reçoit de son père l’entreprise, qui lui
est cédée à part égale avec son frère Louis Hippolyte (1796-1873) : “C. J
Ovigneur et frères” est créée. La transaction mentionne la “constitution
dotale” accordée aux deux fils à l’occasion de leurs alliances : le lien
entre le commerce et la famille se manifeste. En 1820, Emmanuel se marie en
effet à Sophie Rhone (1797-1870), fille d’un banquier de Valenciennes.
En 1840, sa veuve, Sophie
Ovigneur-Rhone reprendra l’association commerciale avec son beau-frère. En
1847, Louis Hippolyte reprendra seul l’entreprise consacrée au lin qui dispose
alors d’une machine à vapeur.
En 1860, cette branche de
la famille, établit à Commines un tissage de toiles fines. En 1919,
l’entreprise fusionne avec d’autres pour créer les Filatures et filteries de
France.
La fille aînée des
Ovigneur-Rhone, Clémence Ovigneur-Rhone (1831-1886), épouse Gustave
Desrousseaux-Briansiaux (1823-1886). Leurs filles, Jeanne (1865-1949) et
Pauline (1868-1955) épouseront deux frères Louis Plouvier (1865-1924) et
Edouard Plouvier (1867-1927) dont les descendants s'allieront aux famille de
Lille Roubaix Tourcoing, Watrelot, Tiberghien, Masurel, Trentesaux.
Histoire des canonniers de
Lille. Lille, Quarré, 1893.
Notes sur la famille
Chrétien. Général Jean Chrétien. Tanger (1960).
Archives du Nord :
arrêts du 22 juin 1735
Être et croire à Lille en
Flandres XVIème- XVIIème par Lottin, P. U. d’Artois (2000).
Vivre à Lille sous
l’Ancien Régime. Philippe Guignet. Perrin -1999- p. 360 et suivantes
L’Echo du Nord, journal
constitutionnel, politique et littéraire (n°139 du 18 mai 1832)
Histoire de Lille. L’ère
des révolutions. Sous la direction de Louis Trenard. Éditions Privat (1991)
p. 255 et 308
Arch. communales de Lille,
liasse 17.695, dossier 6
Archives de Lille 18264
Les rue
de Lille par A. Bertrand Editions Steenvoorde (1996)
Les maîtres du Nord du XIXe siècle à nos jours. Pierre Pouchain.
Éditions Perrin -1998- (p. 232)
Gazette du département du
Nord, 9 octobre 1792
Dictionnaire historique
des batailles qui_ont eu lieu pendant la Révolution Paris Ménard 1818 tome 2
(p. 511 et 512)_
Éloge funèbre du 17 mai
1832 par Bruneel, officier des canonniers. L’Echo du_Nord, journal
constitutionnel, politique et littéraire n°139, daté du vendredi 18 mai 1832.
Histoire populaire de
Lille Henri Bruneel 1848
Chanson en patois “les
canonniers lillois” (Annuaire du canonnier lillois pour_1879 Lille Danel 1879
p. 40 et suivantes-)
Recueil des lettres et
autres pièces adressées à la municipalité de Lille à l’occasion du bombardement
de cette place. Imprimerie municipale 1793, p. 32
Création artistique et
conflits historiques dans l’Europe du nord ’, Revue du Nord hors série n°7,
2000, Université Charles de Gaulle – Lille3
François Coppée: l'homme,
la vie et l'œuvre (1842-1889) (1889) par Mathurin Lescure, A. Lemerre 1889 p.
367 et suivantes
Filiation
Jean Ovigneur
&
Adrienne
Manisent 1646
|
Etienne
Ovigneur &
Marie Jeanne
Ducorne
|
Joseph
Ovigneur 1697-1765
&1728
Marie Joseph
Bocquet 1704-1787
|
Charlemagne
Ovigneur 1733-1765
&1757
Geneviève
Blondel +1819
|
Charlemagne
Ovigneur 1759-1832
|
&1787
Angélique
Lepers 1765-1831
|
Emmanuel
Ovigneur 1791-1840
&1820
Sophie Rhone
1797-1870
|
dont :
Les Ovigneur actuel descendent de
Jules Ovigneur1833-1886
&1860 Aimée Depret 1839-1884
dont on remarque
Marie Ovigneur 1863-1938
& Maurice Boisse 1859-1896
Thérèse, née le 10 novembre 1888,
Lille, décédée le 1er novembre 1934,
Lille (45 ans).
Mariée le 4 septembre 1924,
Lille, avec Gaston Mulliez,
Les Paul Ovigneur 1864-1921 & Marthe Lefebvre
1867-1949
Mariage de Sabine
Ovigneur, née 1900, Lille Mariée, Lille avec Joseph Prouvost, 1896, Croix,
décédé 1965, Paris 7ème, fils de
Georges Louis Prouvost 1866-1926 et Félicie Valérie Dehau 1871-1962
dont
Gisèle Prouvost, décédée
2002. Mariée avec Renaud Poinsinet de
Sivry.
Françoise Prouvost,
décédée 2004, St Briac (35) Mariée avec
Bernard Billaudel, décédé 1977.
Micheline Prouvost,
décédée en 1968.
Mariée avec Louis Rollinde
de Beaumont, né en 1918, décédé 2011, cimetière de Coquainvilliers (14) (93
ans).
Josette Prouvost Mariée
avec Michel Parent.
Les Albert Ovigneur 1866-1921
& Berthe Plaideau 1871-1951
André Ovigneur, né le 5 novembre 1892,
Lille, tué le 27 février 1915,
Mesnil-les-Hurlus (act. Minaucourt-Mesnil-les-Hurlus - 51, Marne) (22 ans),
sergent au 87ème Régiment d'infanterie.
Maxime
Ovigneur 1912-1986
&1938 Bernadette van
Cauwenberghe 1916-1960 :
de ce couple descendent les actuels Ovigneur : les Christian, Didier,
Thierry, Xavier Ovigneur
Et Marguerite 1873-1933 &1895 Urbain Daniel Virnot 1869-1951
Descendants de Jean Ovigneur
Jean Ovigneur.
Marié avec Adrienne
Manisent, née en 1646, dont
Marié avec Marie Hélène
Gand.